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Un jour viendra couleur d'orange!
5 avril 2013

Paradis fiscaux : le voile se lève doucement...concurrence médiatique entre Le Monde et Médiapart?

 

LE MONDE: OFFSHORE LEAKS :

Noms de 130 personnalités françaises sur 300 incriminées pour détentions de comptes dans les paradis fiscaux.

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Le Monde publie les révélations d'une vaste enquête sur les paradis fiscaux, menée conjointement par l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) et trente-six médias internationaux. Anne Michel, journaliste au Monde, explique dans un chat la méthode et les enjeux de l'"Offshore Leaks".

Daniel : Pourquoi la liste des 130 noms français n'est-elle pas rendue publique ?

Nous avons sélectionné, dans cette liste, les noms qui font sens, soit parce qu'il s'agit de personnalités en responsabilité, tenues à l'exemplarité, soit parce qu'ils renseignent sur le rapport à l'impôt dans notre société.

Francis Guil : D'abord, merci à tous ceux qui ont réalisé cette enquête. Le gouvernement français n'y a curieusement pas encore vraiment réagi, contrairement à certains hommes politiques ou mouvements, comment interprétez-vous cette prudence qui peut a priori sembler suspecte dans le climat actuel ?

Depuis le Maroc, jeudi 4 avril, le chef de l'Etat s'est exprimé sur le cas de Jean-Jacques Augier, que nous avons mentionné dans notre édition parue le même jour. François Hollande a déclaré "ne rien connaître" des activités ni des investissements de celui qui a été son trésorier pendant la campagne pour l'élection présidentielle en 2012. Il a ajouté que si ces investissements n'étaient pas "conformes à la loi", il demanderait à l'administration fiscale de s'en emparer.

Nous sommes dans une séquence politique délicate qui vient de voir le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, démissionner après qu'il a avoué détenir un compte bancaire non déclaré à l'étranger. Le Monde a d'ailleurs tenu à préciser que ses révélations sur les paradis fiscaux, intervenues peu après cette démission, ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'une enquête sur la classe politique, mais dans le cadre d'une coopération internationale entre médias du monde entier, à partir de fichiers secrets obtenus par la fondation américaine de journalisme d'investigation ICIJ.

>> Lire aussi : "Hollande : 'Je ne connais rien des investissements de Jean-Jacques Augier'"

Visiteur : Pourquoi dévoiler seulement maintenant ces informations ?

L'enquête engagée à l'initiative de cette fondation indépendante dure depuis plusieurs mois maintenant. Il s'est agi d'une coopération inédite entre 36 médias et 86 journalistes internationaux allant du Guardian, en Grande-Bretagne, au Washington Post aux Etats-Unis, à l'Asahi Shimbun au Japon et au Süddeutsche Zeitung en Allemagne, qui nous a conduits à exploiter des données informatiques représentant 162 fois l'affaire Wikileaks.

Plus de 120 000 sociétés offshore conçues pour dissimuler l'identité de leurs propriétaires, et dont l'existence aurait dû rester secrète, ont pu être mis au jour. Face à la mondialisation de la finance et à la mondialisation de la délinquance financière, les journalistes se sont organisés en conséquence.

Mouette : Pourriez-vous rappeler, même sommairement, l'origine des données traitées par les différents partenaires ?

Ce sont des fichiers contenant au total près de 2,5 millions de documents (courriers électroniques, lettres, tableaux, etc.), parfois explicites, parfois abscons, qu'il a fallu décoder, analyser, comparer, et ce, d'un pays à l'autre.

Nous avons pu avoir des moments de découragement, mais certaines pistes ont pu être relancées grâce à des éléments d'information apportés par des journalistes étrangers. Finalement, nous sommes parvenus, pour de très nombreuses sociétés, à découvrir l'identité de leurs bénéficiaires économiques réels.

Visiteur : Selon vous, pourquoi des journaux étrangers ont-il déjà publié des noms, comme en Espagne, mais qu'en France, il n'y en ait qu'un seul pour l'instant ?

Nous avons décidé de procéder en séquences, en commençant par une séquence politique, qui nous a conduits à publier le nom de Jean-Jacques Augier. Je souligne l'extrême prudence avec laquelle nous avons travaillé, en nous en tenant aux faits et en posant les questions qui semblaient s'imposer. S'agissant de M. Augier, sa qualité d'inspecteur des finances, puis son rôle auprès de François Hollande pendant la campagne, posent d'évidentes questions en termes de comportement et d'éthique.

Par ailleurs, en tant que journalistes, nous pouvons poser la question de la légalité des opérations effectuées, en l'occurrence sa participation à des montages offshore aux îles Caïmans, mais il ne nous appartient pas d'y répondre.

La deuxième séquence, dans l'édition du Monde qui sort cet après-midi, porte sur le rôle des banques françaises. L'enquête que nous avons conduite a en effet permis de mettre au jour leur contribution active à la création de sociétés offshore dans des Etats ou des territoires considérés comme des paradis fiscaux ou/et réglementaires par des organismes officiels. Par ailleurs, les documents auxquels nous avons eu accès identifient 130 noms français, et nous en publierons une dizaine significatifs.

Willy : Allez-vous transmettre ces informations aux autorités judiciaires concernées ?

Si nous recevons une demande émanant de la justice française, nous réfléchirons à la réponse appropriée.

Pascal D. : Avez-vous demandé leur accord aux personnes ou aux organismes concernés avant de publier leur cas ?

Oui, nous avons contacté l'ensemble des personnes physiques ou morales (entreprises) mentionnées dans les articles que nous publions. Nous rendons compte de leurs réactions, souvent embarrassées.

Pascal : Le gouvernement a-t-il demandé au Monde de lui communiquer la liste des 130 noms ?

Nous n'avons reçu à ce jour aucune demande de la part du gouvernement. En Allemagne, le ministère des finances a fait savoir qu'il désirait examiner la liste. En Suisse, les autorités fiscales du canton de Berne ont décidé de rouvrir le dossier d'un contribuable dont le nom a été révélé par les documents Offshore Leaks. Il s'agit de l'ancien mari de Brigitte Bardot, Gunther Sachs.

Paul Orgon : Qu'avez-vous à dire à ceux qui vous accusent de profiter de l'affaire Cahuzac pour sortir cette enquête ?

Cela fait des mois que la publication est prévue fin mars ou début avril pour les 36 médias partenaires de l'opération. La date du 4 avril a finalement été arrêtée le 5 mars par le consortium ICIJ. Nous nous sommes rigoureusement tenus à cet embargo.

Gerome Nimo : Donc, en gros, la date de sortie de l'Offshore Leaks n'a rien a voir avec l'affaire Cahuzac ? Vraiment ?

Oui, vraiment, c'est un hasard de calendrier. Nous travaillons sur cette affaire depuis des mois, il nous était impossible de savoir que M. Cahuzac allait passer aux aveux 48 heures avant notre première publication.

Nicolas : Comment êtes-vous rentrée en contact avec ICIJ ?

Nous avons publié en 2012 deux de leurs enquêtes, l'une sur la corruption dans les milieux de la pêche, et l'autre sur le trafic international de tissus humains. ICIJ a pris contact avec notre directeur adjoint, Serge Michel, en novembre 2012, pour nous proposer de participer à cette opération collective.

Pendant deux mois, tous les contacts se sont faits par messagerie cryptée et par Skype, car le consortium était très inquiet à l'idée de fuites éventuelles et de tentatives de piratage.

QuiDame : Bonjour et bravo ! En dehors d'Augier, y a-t-il dans la liste des 130 Français d'autres personnalités liées à des hommes politiques ?

Pas directement, mais dans les listes suisses, auxquelles nous avons aussi accès grâce à nos partenaires sur place, la banque et la fiduciaire Reyl apparaît de façon assez massive. C'est elle qui a géré les avoirs de M. Cahuzac à Genève, puis à Singapour. Nous en rendrons compte dans Le Monde qui paraît samedi après-midi.

>> Lire aussi : "Offshore Leaks : qui détient les comptes secrets ?"

Don lopez : Avez-vous subi des pressions ?

Non, nous n'avons subi aucune pression. En revanche, les gens que nous avons contactés pour leur annoncer qu'ils étaient dans la liste ont souvent réagi avec grand embarras.

Visiteur : Pourquoi les documents n'ont-ils pas été donnés à tous les médias ? Avez-vous des règles à respecter ? Qui définit la liste qui fait "sens", comme vous dites ?

Le consortium ICIJ a choisi un grand média par pays. En France, Le Monde. Nous avions une première règle à respecter sur l'embargo du 4 avril. Nous sommes aussi tenus de ne pas partager avec des tiers les documents en notre possession. Il nous a été demandé de ne pas publier certains documents d'identité scannés qui apparaissaient dans les fichiers.

Nous avons nous-mêmes décidé quels noms nous allions révéler en fonction des documents que nous avions sur ces personnes et de l'exemplarité de leur cas pour éclairer les pratiques dans le monde des paradis fiscaux. Au-delà des noms, il s'agit en effet de pointer l'incroyable opacité qui perdure dans ces territoires dérégulés, quatre ans après le fameux G20 d'avril 2009 qui a suivi la crise financière de 2007 et a vu les grandes puissances déclarer la guerre aux paradis fiscaux non coopératifs.

Gérard : Quelles garanties avez-vous reçues qui vous permettent de penser que ces informations étaient vraies et non manipulées ?

La masse de documents, leur homogénéité et les détails apparaissant ici ou là ont conduit l'ICIJ à estimer qu'il s'agissait de documents authentiques.

Par la suite, le Guardian, à Londres, a publié un article en janvier 2013 sur la base de ces documents, mais sans mentionner la fuite massive, et qui a eu valeur de test. Enfin, dès que nous avons appelé les personnes mentionnées dans les documents, leur aveu immédiat nous en a apporté la preuve définitive.

Le K. : Quel est l'avenir de ces documents ? Seront-ils un jour disponibles sur Internet ?

Certains partenaires de l'opération en ont publié quelques-uns sur leur site. Nous ne l'avons pas fait parce qu'ils sont très techniques et difficilement lisibles. Pour l'instant, ces documents restent la propriété de l'ICIJ. Nous tenons surtout à pouvoir continuer à y accéder afin de poursuivre nos enquêtes.

Contribuable écœuré : A combien évaluez-vous le manque à gagner cumulé pour l'Etat français ?

Le manque à gagner pour le budget de l'Etat est de plus de 50 milliards d'euros chaque année.

Arthur : Les informations que vous nous avez fourni sont-elles vérifiées ?

Nous avons travaillé dans la plus grande rigueur en vérifiant chacune des informations que nous avons publiées. Au moment de l'étude des documents, nous avons dû les analyser, les comparer et, parfois, échanger avec nos confrères à l'étranger.

Jean Michel : Pourquoi avoir jeté en pâture et en premier le nom du trésorier de la campagne du président ?

Dès que nous avons identifié son nom dans les listes de l'ICIJ, nous savions que ce serait une des personnalités dont il faudrait parler. Inspecteur des finances, il incarne les valeurs de la République. Cela tombe très mal pour le président dans cette séquence politique délicate, mais les faits sont avérés, et cette thématique des paradis fiscaux est de la plus haute importance.

Jp : Beaucoup reprochent à Mediapart de "feuilletonner" leurs informations. N'avez-vous pas l'impression de faire la même chose ?

Le Monde fait entre 24 et 32 pages chaque jour, il est impossible d'en consacrer plus de 5 ou 6 à une opération comme celle-ci. La publication sur plusieurs jours est pour nous le seul moyen de donner l'ensemble des informations dont nous disposons.

>> Lire "tous nos articles Offshore Leaks"

Visiteur : Tout d'abord, bravo. En quoi ces découvertes vont-elles changer les réglementations financières ? Quelles réactions attendez-vous des gouvernements et des institutions bancaires internationales ?

Il est grand temps que les politiques, et au-delà les Etats, prennent à bras le corps la question des paradis fiscaux, dont l'opacité ponctionne leurs ressources et, nous l'avons vu très récemment avec les crises financières en Grèce ou à Chypre, peut être une menace pour la stabilité économique.

Par ailleurs, l'action au niveau de l'Union européenne est cruciale, mais rendue compliquée par la position britannique, qui tente de protéger à la fois la City et les territoires offshore sous sa juridiction (notamment les îles Vierges britanniques).

Quentin : Y a-t-il une estimation (même très grossière) de l'ampleur de cette évasion fiscale, au niveau mondial ?

L'évasion fiscale représenterait 1 000 milliards d'euros chaque année pour l'Union européenne. Mais il s'agit d'une estimation, car elle est par nature très délicate à évaluer.

Matt : Quels paradis fiscaux européens sont-ils les plus concernés par l'"Offshore Leaks" ?

Il faut voir à quelle définition des paradis fiscaux on se réfère. Les critères français ou américains ou ceux des ONG sont différents. Les pays européens qui ressortent dans les documents "Offshore Leaks" sont la Suisse, le Luxembourg, et surtout Jersey.

Maxence : Parmi les personnes que vous ne citerez pas dans vos articles (car personnages non public), y a-t-il un profil type qui ressort ?

Le profil type est celui d'un patron de PME, d'un notable de province ou de professions libérales. Le vrai visage de l'évasion fiscale, ce sont des gens plutôt "Rotary Club", pas les stars du show business ou du cinéma.

Par ailleurs, bien sûr – mais cela semble évident –, on trouve parmi les utilisateurs de paradis fiscaux de grandes fortunes, comme le baron Elie de Rothschild, dont nous racontons l'archipel de sociétés offshore dans l'édition du Monde à paraître cet après-midi.

Arnuad_M : Quelles seront, à votre avis, les répercussions de votre enquête sur notre pays ?

Si l'enquête à laquelle nous avons participé peut avoir pour effet de faire progresser la transparence, le jeu en vaut la chandelle. Je voudrais juste rappeler qu'en économie de marché, la transparence constitue un principe fondateur.

Visiteur : Comment Le Monde peut-il continuer la "lutte" après la publication de l'"Offshore Leaks" ?

D'abord, la publication n'est pas terminée. Nous allons continuer à interroger la base de données en partenariat avec ICIJ, et nous allons faire écho au travail de nos confrères étrangers, notamment suisses. La coopération avec des journalistes étrangers que nous venons d'expérimenter ouvre une voie nouvelle en matière de journalisme d'investigation.

Ensuite, la question des juridictions offshore est un thème traité par Le Monde d'une façon assidue depuis de nombreuses années. Nous allons évidemment continuer !

Jacques André : Bonjour et bravo pour ce travail. Comment expliquer que la 5e puissance économique mondiale (= la France) ne représente que 0,1 % des noms fournis par l'"Offshore Leaks" ?

Nous n'avons pas ce chiffre de 0,1 %. La liste française est consistante par rapport à celle d'autres pays, même si les deux sociétés offshore d'où émane la fuite, Portcullis TrustNet et Commonwealth Trust Ltd, avaient sans doute bien davantage de clients asiatiques qu'européens.

Nicolas : Vous dites bien qu'il s'agit d'estimations à la louche, mais j'ai un peu de mal à rapprocher les deux chiffres (faramineux !) que vous donnez sur le volume annuel de l'évasion fiscale : 1000 milliards pour l'UE dont 50 milliards pour la France ?

Pour l'Union européenne, ce sont les estimations qui ont cours. Il y a 27 pays européens, 50 x 27 = 1 350.

Sylvain_15 : Dans quel état d'esprit est-on lorsque l'on découvre et comprend tout ce système ? Pouvez-vous nous donner des raisons d'espérer un changement, une amélioration dans un futur proche ?

C'était une enquête passionnante et une grosse pression interne pour la mener à bien. L'espoir de changement est vif dans la société. L'évasion fiscale fait porter la charge de l'impôt sur les contribuables honnêtes et les classes moyennes... Cela devrait un jour ou l'autre obliger le politique

 A suivre.....dans le Monde du samedi 6 et dimanche 7 avril...

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