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Un jour viendra couleur d'orange!
2 mai 2013

6 La Chine et les chinois : traditions et modernité: Zong Qinghou 1 ère fortune de Chine (Médiapart)

Zong Qinghou, 1ère fortune de Chine : « Ma responsabilité sociale est de faire du profit »

01 mai 2013 | Par Jordan Pouille

Pékin, correspondance

Le rendez-vous fut fixé dans un palace gardé par la Police armée du peuple, derrière Qianmen, une avenue touristique débouchant sur la place Tiananmen, à Pékin. Zong Qinghou est arrivé dans le hall sans escorte, avec quinze minutes d’avance, en blazer bon marché et souliers de toile, lui conférant une allure de travailleur ascète. Il s’est assis sur un fauteuil. L’entretien a duré une heure. Quand les questions ne lui plaisaient pas, il scrutait sa toquante Vacheron Constantin à 50 000 euros.

Selon le dernier classement Forbes, Zong Qinghou, 67 ans, est l’homme le plus riche de Chine populaire (hors Hong Kong), avec une fortune personnelle de 11,6 milliards de dollars. Cet autodidacte a fondé Wahaha, aujourd’hui première entreprise de boissons non alcoolisées de Chine, loin devant Coca ou Pepsi. La marque Wahaha nous est familière depuis son divorce d’avec Danone, en 2009. En 1996, les deux entreprises devenaient partenaires et Danone fit de la Chine son 3e marché. Jusqu’au jour où la firme française reprocha à Zong Qinghou d’avoir créé, en douce, près de 80 entreprises concurrentes.

Depuis 2002, l’homme est délégué auprès de l’Assemblée nationale populaire, s’exprimant en faveur d’un patriotisme économique décomplexé. Le Kvass, son dernier produit, sponsorise le télé-crochet le plus regardé de Chine. Sa fille unique, une célibataire de 31 ans éduquée aux États-Unis, contrôle un tiers de son empire.

Il y a trois ans, pour faire taire les critiques, Zong Qinghou renonçait à son statut de résident permanent aux États-Unis et sa fille à sa nationalité américaine.

Zong Qinghou

Zong Qinghou© Jordan Pouille / MP

Mediapart. En 2009, Danone et Wahaha prononçaient leur divorce. Quelles leçons avez-vous tirées de cet épisode ?

Zong Qinghou. C’est un gros gâchis. Dès le début de notre co-entreprise, il était convenu que je garde le contrôle du terrain. Naturellement, à chaque décision opérationnelle, j’avais choisi de ne pas les écouter. Ils ne connaissaient rien à la Chine et la société aurait fait faillite ! Comme Danone, aux côtés d’une banque d’affaires, détenait la majorité des parts de Wahaha, le climat était souvent tendu.

Ils ont commencé à comprendre quand ils ont constaté le retour élevé sur investissement : entre 40 et 50 % chaque année. J’avais le soutien du chef Asie Pacifique de Danone.

Puis, j’ai voulu faire grossir la société en créant plus d’entreprises. Danone a eu peur de n'avoir plus aucune prise et a cessé ses investissements. À l’inverse, dès 2000, le groupe s’est associé à la concurrence comme l’eau Robust, le lait Brightness ! Ils ont cru qu’ils pouvaient me faire de la concurrence horizontale, que j’allais rester les bras croisés ? C’était mal me connaître…

En 2007, ils ont remercié leur chef Asie Pacifique et souhaité racheter mes parts : c’est à ce moment que la guerre a vraiment commencé. À l’époque, le gouvernement chinois m’a dit de ne surtout pas envenimer la situation. Finalement, nous avons gagné la bataille juridique et ils sont partis, en me revendant leurs parts.

Dans une co-entreprise, chaque partie se doit d’apporter ses atouts. Avec le recul, je dirais qu’ils n’ont rien apporté, pas vraiment de savoir-faire, juste de l’argent. À cette époque, la Chine commençait à peine à s’ouvrir. Nous ne maîtrisions pas les règles de la finance, contrairement à Danone. Ce n’est plus le cas

Comment combattre l’insécurité alimentaire, un fléau de la Chine actuelle, comme l'ont mis au jour l'affaire du lait pour bébé frelaté en mars dernier ou, en août précédent, celle des fruits toxiques, pour ne citer que deux exemples ?

Jusqu’à présent, un nombre trop important d’institutions avaient en charge la sécurité alimentaire, si bien que personne n’assumait la moindre responsabilité. Depuis l’arrivée de la nouvelle équipe dirigeante, elles sont clairement définies. La matière première dépend du ministère de l’agriculture. La production et la vente dépendent du bureau de l’inspection de l’alimentation tandis que le ministère de la santé définit les standards de qualité. Si l’on supprime encore des strates bureaucratiques opaques, si l’on impose moins de procédures administratives, la corruption sera mise à mal et la sécurité alimentaire s’en trouvera améliorée.

Pour ma part, je ne fais de l’argent qu’en vendant de l’eau : tout, sur mon entreprise et moi, est transparent.

Wahaha peut-il encore grossir ?

Le logo de WahahaLe logo de Wahaha

Wahaha profite grandement de la crise mondiale. En 2008, quand les commandes de produits manufacturés en Chine ont dégringolé, les ouvriers migrants ont quitté les dortoirs et sont retournés dans les campagnes pour retrouver leurs terres. On craignait des troubles, des coups de sang, or le contraire s’est produit. Cette population a enfin goûté à la consommation, ils ont découvert leur pouvoir d’achat à l’épicerie du village, où tous nos produits, de l’eau minérale aux yaourts, sont distribués. En ville, les gens avaient peur d’acheter une voiture, un appartement, mais dépensaient davantage en alimentation. Avec la crise, Wahaha s’est beaucoup renforcé.

Au passage, vous noterez que les Chinois ne se comportent pas comme les habitants de vos pays, où ceux qui ne travaillent pas aspirent tout de même à profiter de la vie. Finalement, leurs gouvernements font faillite et des problèmes insurmontables apparaissent.

Désormais, je veux lancer une nouvelle activité : construire mes propres centres commerciaux dans les villes petites ou moyennes, où les familles ont de l’argent mais rien pour se divertir. Grâce à moi, elles trouveraient enfin tout sur un même lieu : des boutiques, des restaurants, un cinéma.

En revanche, dans les grandes villes comme Pékin, Shanghai ou Shenzhen, je veux ouvrir des centres commerciaux ultra-spécialisés. Certains, par exemple, ne distribueraient que des produits importés, de marques peu connues et donc plus accessibles. Je pense aussi à des centres commerciaux destinés aux jeunes mamans. À ma connaissance, il n’existe pas encore de lieux entièrement dédiés aux bébés, avec des produits alimentaires ou textiles de qualité irréprochable.

Nous testons le tout à Hangzhou, le siège de Wahaha. Si ça marche, nous copierons ce modèle dans de nombreuses villes, simultanément et le plus vite possible, pour damer le pion à la concurrence, comme Carrefour ou Walmart.

Quant à l’international, eh bien, tout dépend de vos gouvernements ! Ces derniers se méfient beaucoup des Chinois. Ils veulent nos investissements mais redoutent que nous entrions en compétition avec eux. Le premier ministre néo-zélandais souhaite me rencontrer. Si Wahaha construit une usine de produits laitiers dans son pays, ce serait pour vendre en Chine toute la marchandise produite là-bas. Sinon, il me fichera dehors ! Ainsi, j’achète déjà du lait en Hollande. Ce pays a de la ressource à foison, mais un petit marché. Nous, c’est l’inverse, donc c’est du gagnant-gagn

Comptez-vous un jour être coté en bourse ?

La bourse, c’est enlever de l’argent d’une poche pour en mettre dans une autre. Quand l’action baisse, la fortune de l’entrepreneur baisse aussi. Je préfère une attitude pragmatique, en créant de la richesse.

L’écart de richesse grandissant au sein de la population vous inquiète-t-il ?

Zong Qinghou se vit comme un «patron paternaliste».Zong Qinghou se vit comme un «patron paternaliste».© Jordan Pouille / MP

Il y a trente ans, le président Deng Xiaoping avait bien dit qu’il fallait laisser un groupe de gens s’enrichir en premier, laisser certaines régions s’enrichir en premier, afin de tirer le développement économique de tout un pays.

Lors du 18e congrès, en novembre dernier, le Parti a promis de doubler les revenus des Chinois d’ici 2020, ce qui équivaut à s’attaquer frontalement au problème de la distribution des richesses. En France, le président Hollande a tenté d’imposer les riches à 75 % et voyez le résultat : certains ont déjà quitté le pays !

Je dis souvent que les impôts sont trop élevés : le gouvernement devrait empocher moins et les Chinois ordinaires beaucoup plus. C’est indispensable si l’on veut enfin dynamiser le marché intérieur, pour que la croissance ne dépende plus de l’export ou des investissements étatiques dans les infrastructures.

Il faut donc que le gouvernement chinois laisse les gens s’enrichir, tous… et que chacun dispose des mêmes conditions pour devenir riche.

Vous avez dit que les travailleurs migrants devraient songer à rentrer chez eux.
Ces dernières années, des mégalopoles comme Pékin ou Shanghai ont attiré la jeunesse de tout le pays et révélé beaucoup de talents. Si ces derniers osaient revenir dans leur province natale avec leurs compétences, ils accéléreraient leur développement et, qui sait, deviendraient peut-être chef de district en une année ! C’est seulement grâce à eux que les petites villes vont décoller et c’est pour eux que les logements sociaux devraient être construits en priorité.

Et vous, quelles sont vos responsabilités envers la société ?

En tant que PDG d’une grosse entreprise, je pense que ma première responsabilité est de faire du profit et de générer des recettes fiscales pour mon pays.

La deuxième est de prendre soin de mes employés. J’augmente leurs salaires chaque année et les heures supplémentaires ne se font jamais sous la contrainte, mais sur la base du volontariat. Mes 60 000 salariés sont plus motivés, ils sont heureux d’aller au travail et notre turn-over est au plus bas.

Des journalistes ont écrit que j’étais un sympathique dictateur… Même si j’aime m’occuper de tout, je me vois plutôt comme un patron paternaliste !

En troisième position, je dirais que je dois faire attention à l’environnement. Et enfin faire un peu de philanthropie sans me donner en spectacle. Comme vous le voyez, je n’ai pas de portefeuille sur moi. Je consomme trois repas, deux paquets de cigarettes et une tasse de thé par jour. Le reste appartient à la société chinoise.

L’innovation ne fait pas partie de vos responsabilités ?

Bien sûr que si ! J’ai créé une boisson lactée vitaminée sous la marque Nutriexpress… et les Américains de Minute Maid m’ont copié (en lançant le Pulpy Super Milky - ndlr). Alors je laisse ça à ma fille. Kelly Zong a fait ses études là-bas : elle maîtrise bien leurs manières de faire des affaires. Je l’ai nommée directrice des achats.

En ce moment, elle essaie de compléter notre chaîne industrielle, pour que nous soyons présents sur toutes les étapes de la production, et cela passe par exemple par la qualité de l’impression des emballages ou même les arômes alimentaires. C’est aussi elle qui s’intéresse le plus à l’international. Elle revient d’Europe. Elle s’est rendue en Bulgarie pour visiter des usines de ferments. Je pense qu’elle en achètera quelques-unes.

 

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