Visite du Fort de Montluc de Lyon par la nièce d'un déporté.
VISITE DE MONTLUC EN SEPTEMBRE 2012
Oui, c'est oppressant mais pour moi le souvenir de cette visite
> l'est encore davantage. Par dessus tout des sentiments mêlés
> curieusement d'impuissance et de colère envahissent le visiteur. On
> est submergé par l'horreur de ce qui s'est passé dans ces lieux, par
> cette fatalité brutale qui a frappé ces hommes et ces femmes,(et
> aussi ces enfants) destin qu'on ne peut pas changer, et en même
> temps, on ne parvient pas admettre que d'autres êtres dits "humains"
> aient pu fomenter et commettre de tels crimes. Surtout lorsque l'on
> se dit qu'aujourd'hui plus de 73 ans après, d'autres personnes dans
> toute l'Europe la bête veille assoiffée de sang et de tortures
> ( voire ce qui s'est passé en Norvège et se qui se trame en Autriche
> par exemple)
> J'ai oublié de dire que les interrogatoires se déroulaient dans un
> autre arrondissement de Lyon, place Bellecour, et que chaque jour
> les pas lourds des SS qui approchaient des cellules signifiaient
> souvent qu'on allait en extraire un détenu pour l'amener devant
> Barbie ou ses sbires et le torturer. On le ramenait inanimé, des
> heures après dans sa cellule. Ou alors le soldat disait " sans
> bagage" et alors ses compagnons savaient qu'ils ne le reverraient
> plus parce condamné à être fusillé ( sur place quelquefois dans le
> chemin de ronde mais plus souvent à l'extérieur) L'annonce de sortie
> "avec bagages" voulait dire soit la libération faute de preuve
> ( évidemment extrêmement rare) soit les départs en camp de
> concentration ou d'extermination.
> Je ne conseille pas la visite de ces lieux tout de suite car les
> travaux sont en cours comme vous l'avez vu sur une des photos à
> l'intérieur comme dans l'environnement pour rendre le bâtiment plus
> accessible et se rendre compte qu'il est vraiment très proche de la
> voie ferrée ce qui explique à quel point il fut vite soustrait à
> l'administration de Vichy par l' autorité allemande. Ce coin là est
> en plein réaménagement et impossible à photographier à cause du
> chantier.
> Mais il faut dire que la création du Mémorial ne date que de deux ans
>
HISTORIQUE
> > > Il faut savoir qu'à Lyon en 1921, au moment où la prison de Montluc
> > > s'est ouverte, il y en avait déjà deux autres ( Saint Paul et Saint
> > > Joseph) Comme cette nouvelle prison n'accueillait pas assez de
> > > détenus on la ferma et on distribua les prisonniers entre les deux
> > > autres.
> > > Ce bâtiment comprenait environ 138 cellules sur trois étages, rez de
> > > chaussées compris numérotées de bas en haut, un réfectoire assez
> > > vaste, des WC, des douches, un magasin, un atelier. Chaque cellule
> > > mesurait 4 mètres carrés pas davantage. Il y avait un corridor le
> > > long du mur d'enceinte qui servait de chemin de ronde. Actuellement
> > > la partie du mur de ce chemin qui donne sur l'extérieur est illustré
> > > par la fresque de jean MOULIN et ses illustres compagnons et un
> > > monument en hommage aux internés.
> > > En 1939 elle est remise en activité par l'autorité militaire. C'est
> > > ce qui explique l'inscription que l'on voit en haut de la porte
> > > d'entrée que l'on a découverte que récemment vers 2000 car elle
> > avait été murée.Elle sert alors à incarcérer des
> > > détenus de droit commun, des militaires purgeant de courtes peines
> > > ainsi que des militants communistes en raison de l'interdiction du PCF
> > > au mois de décembre 1939.
> > > Certains des détenus de droits communs étaient appelés "moutons "
> > > car ils observaient et épiaient les autres prisonniers et les
> > > dénonçaient. Il s'ensuivait de lourdes sanctions. A cette époque et
> > > encore pour quelques mois , les cellules étaient encore
> > > individuelles. Mais dés la défaite et le gouvernement de Vichy , il
> > > suffisait de distribuer des tracts, de dénigrer le régime pour être
> > > incarcéré et cela s'intensifia tellement que les hommes où les femmes
> > > durent vivre jusqu'à huit dans une cellule.
> > > Je n'en croyais pas mes yeux lors de ma visite et j'avais de la
> > > peine à m'imaginer comment cela pouvait être possible. A partir de
> > > l'invasion de la zone sud de la France par les nazis, la prison passa
> > > sous l'autorité allemande qui réagit coup par coup et fait des
> > > rafles afin de se constituer des otages et change le régime des
> > > prisonniers. Ainsi les douches sont supprimées, les WC aussi et dans
> > > les cellules , j'ai vu les tinettes qui servaient aux besoins
> > > naturels, un récipient pour recueillir de l'eau et un petit porte
> > > manteau scellé au mur. Peu à peu les promenades dans la cour de la
> > > prison furent interdites et la nourriture devint de plus en plus
> > > maigre. Très vite en même temps que la famine, la vermine s'installa
> > > les punaises notamment, aggravé par les odeurs qu'elles dégagent
> > > quand on les écrase.
> > > On arriva à une situation épouvantable et l'on en vint à se servir
> > > du réfectoire, du magasin, de l'atelier pour installer des châlits
> > > permettant d'installer ces malheureux en hauteur. On sépara les
> > > internés raciaux du reste des détenus pour les installer dans un
> > > réduit qui s'est vite appelé " la baraque aux juifs" vite surchargée
> > > malgré les lois nazies de solution finale qui condamnaient cette
> > > population à l'extermination dont on extrayait périodiquement un
> > > groupe pour l'emmener à Drancy. Dans l'exposition, il y a
> > > l'agrandissement d'une photo clandestine. Elle est unique: on y voit
> > > ces malheureux se préparant à monter dans deux autocars qui les
> > > emmènent à la gare toute proche. Ils ont des bagages mais nos a dit
> > > le guide c'est normal car ils ont été raflés en emportant ce qu'ils
> > > avaient de plus précieux et les allemands ont bien l'intention de les
> > > leur confisquer. Il y a eu des périodes où l'on a emprisonné jusqu'à
> > > 1500 personnes
> > > Sur les 7331 personnes incarcérées, 669 internés furent exécutés,
> > > (entre le 11/11/1942 et le 24 Août 1944), 2565 déportés, 2014 furent
> > > libérés et 2440 dont le sort est inconnu. Sur les 2565 seulement 840
> > > furent rapatriés.
> > > A la sortie de la guerre, la prison reprit sa fonction et on y logea
> > > pour un temps les personnes ayant grandement collaboré en se rendant
> > > coupable de dénonciations, de chantages etc etc. Puis de partisans du
> > > FNL . Ensuite Montluc devient une prison pour femmes en 1997,
> > > jusqu'en Février 2009. Les cellules sont réhabilitées, ce qui veut
> > > dire que disparaissent tout ce qu'il pouvait y avoir comme graffitis
> > > ou inscriptions. Cependant je crois me rappeler qu'une cellule a été
> > > reconstituée par le Musée de la Résistance de Lyon. Donc cela répond
> > > à la question que vous me posiez
> > > L' ARM et son Président Georges TASSANI (décédé à présent) vont
> > > lutter avec témérité pour que la prison que l'on vouait à la
> > > reconstruction devienne un lieu de mémoire et ils obtiennent en
> > > 2009 qu'une partie soit inscrite à l'inventaire des monuments
> > > historiques. On y construit un Mémorial comprenant les cellules, le
> > > mur de clôtures, le chemin de ronde qui relève du Ministère de la
> > > Défense où les photos sont interdites et une autre partie, non
> > > protégée, qui appartient à l'Université de Lyon 3 et que je n'ai pas
> > > vue. "La baraque aux juifs" qui n'était en fait qu'une simple cabane
> > > de chantier a disparu mais son emplacement est marqué au sol.
> >